25 mars 2006 6 25 /03 /mars /2006 15:44

Mardi 24 Juin 1997, 7900 km depuis le départ de Brest le 15 Mars dernier. Je viens de passer 3 jours à Novosibirsk, qui veut dire "Nouvelle Sibérie", chez Vitaly Ingénieur réputé dans les Plasmas. Vitaly habite Academgorodok dans la banlieue de Novosibirsk, c'est un peu la Silicon Valley russe. Il m'avait donné par Internet les coordonnées Latitude/Longitude précises de chez lui, mon GPS m'a amené au pied de son immeuble. Ce matin Vitaly a tenu à m' accompagner avec sa Jiguli ( la 2CV russe) jusqu' à la sortie de Novosibirsk, vers l'est...

Il vient de faire demi-tour lorsque j'entends le bruit caractéristique d'un hélicoptère qui lutte avec l'altitude. Réflexe de parachutiste, je le suis des yeux et ne tarde pas à voir 4 petits points noirs en chute libre, les parachutes sont vite ouverts et un "canop" à 4 prend forme. Je rèvais de faire un saut en Russie, voilà l'occasion. Je quitte la trans-sibérienne pour me diriger vers la zone de posé des parachutistes, c'est loin! sur ma carte US au 1/2000000 je vois un aerodrome "North East N°663", une base militaire probablement ...Il n'est pas facile de rejoindre un point estimé à l'horizon par la route, car elle ne suit jamais la direction voulue et il faut donc "intégrer" les changements obligés de direction. Je demande plusieurs fois  "aerodrroom?" mais on fait semblant de ne pas connaitre, bizarre.. Je trouve finalement une longue palissade de barbelés, c'est la Base! je la longe sur au moins 2 km et tombe sur une guérite au milieu de nulle part avec un jeune soldat qui fait sa sieste. J' y vais au culot, je sort ma licence de parachutiste avec le liseré  bleu/blanc/rouge en haut à gauche, ça jette! "Moi Fransouz parachutist, competition dans aerodrom", il voit et reconnait le drapeau français sur le vélo. Il prend le téléphone, "Bon c'est cuit" me dis-je! Miracle, il entrouve une porte de barbelés qui couine de stupeur et me fait signe de rentrer sur la Base en me montrant au loin les installations!

Incroyable, je remonte à vélo une sorte de taxiway  latéral sur au moins 2 km, la piste est énorrme! 200 m de large? elle va jusqu'à l'horizon.  Bientôt j'apercois des chasseurs Sukhoy et des bombardiers lourds alignés sur les parkings, je passe tout près... ai-je le droit de regarder? Je me dirige vers un petit batiment plus coquet que les autres avec une large baie vitrée, un type me voit de l'intérieur et fait signe à ses potes, il doit leur dire "Eh les gars? regardez là dehors, une apparition.." Il sort, c'est un pilote en combinaison de vol, il me dit en regardant le drapeau  "Normandie Niemen? Bienvenue!" et m'invite à rentrer. Je suis dans le mess des pilotes d'essais d' une base russe ultra secrète. Ils sont éberlués par mon périple à vélo (surtout par l' état impeccable de Magic après 7900 km!) et m'invitent à prendre d'abord un bain dans leur piscine chauffée.  

Je peux sauter en parachute? "Da Da pas de problèmes", combien ça coute? éclat de rire général. Il est 16 h, on prévoit un saut de MI-8 vers 17h avec la SMPS locale, on sera 5 pour un petit VR  je sens qu'on va bien rigoler! On me prète une belle combinaison kaki et un "tout dans le dos" de bon aloi, ca baigne! La préparation du saut est minimale: altitude 3000 mètres, sortie en libre, étoile à cinq, on admire la taîga, séparation à 1000 mètres et chacun pour soi!

Le MI-8 est en descente puis se dirige vers le parking, kakoi? 5 minutes plus tard le verdict tombe: problème de carburant (frelaté comme la vodka?), cest fini pour aujourd'hui. " François, si tu peux rester on sautera demain?" me dit Slava, tu parles que oui! j'ai tout mon temps!
La soirée sera mémorable, Sacha un des meilleurs pilotes russes de Sukhoy  va faire les courses et rentre les bras chargés de victuailles et de vodka. On passe des films de vols d'essai, vol supersonique à 20 mètres au-dessus de la taïga, je leur parle des derniers simulateurs de vol de chez nous, on chante et on boit car une bouteille de vodka ne se rebouche pas. Puis on passe aux cours d'aérodynamique, pour Sacha le Rafale à une charge ailaire trop importante, il ne fera pas le poids devant un Sukhoy 34. "Et le salut du Cobra? c'est pour quand en France?" me demande Slava, " Laisse nous faire voler nos avions en marche avant pour l'instant " que je lui dis, déjà bien bourré...J'ai ensuite l'honneur de partager le dortoir des pilotes d'essais, eh oui 20 lits en 2 rangs avec la photo des As de la base  à l'entrée. " Francoaas, tu es le premier étranger à venir dormir ici, tu ne le diras à personne ?"  Promis Sergueî, mais aujourd'hui il y a prescription!

 Mauvaise nouvelle le lendemain matin: le problème d'essence est résolu mais il n'y a pas de pilote d'hélico disponible avant 16h ce soir. Je reste, comme hier j'ai tout mon temps!.

Yakos est responsable de la sécurité des Pilotes (sièges éjectables, parachutes, équipements de survie...), il me fait visiter son labo et son magasin. Une éjection en pleine Sibérie par -40° en hiver n'est pas une partie de plaisir, il me montre tout ce dont dispose le pilote: petit tente, carabine, de quoi faire du feu, émetteur radio.... A midi, les pilotes décident de m'emmener avec eux à la cantine de la base et me donnent le laissez -passer de l'un d'entre eux. Durant le repas, je sens des yeux qui me dévisagent: les agents de securité de la base. De retour au mess, Yakos me dit : " Tu as 10 minutes pour préparer tes affaires, on a la Sécurité sur le dos et ils ne sont pas contents..!". Et me voilà refaisant le taxiway en sens inverse avec une voiture devant et une voiture derrière, aucun pilote n'a eu le droit de m'accompagner. J'espère qu'il n' y aura pas de sanctions. Pas de sauts en parachute sur la Sibérie mais que c'était chouette. Comment ai-je pu rentrer dans cette base? Par la magie du voyage à vélo! pas vrai Magic? Allez cap à l'Est vers Krasnoyarsk ...     

Ci -contre le Sukhoy 34.

           

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