Parceque sillonner notre planète sur deux roues est un plaisir incomparable. On se rend compte que l'on peut encore échapper à l' objectif de notre société de consommation qui est de créer chez nous des besoins et donc de l'insatisfaction si nous ne pouvons pas les assouvir. Sur Magic , ma maison à deux roues, j'ai tout ce qu'il me faut et juste ce qu'il me faut, je ne peux mème pas accepter de cadeaux car c'est du poids en plus (en fait je les accepte et je fais moi mème des cadeaux 20 km plus loin!). C'est un dénuement voulu pour assouvir une passion: découvrir, découvrir...
On me souhaite souvent "bon courage", c'est "bonne chance" qu'il faut me souhaiter. Le vélo est pour beaucoup synonime de souffrance: faut pousser fort sur les pédales et ca fait mal aux fessesl! Au début oui, puis très vite avec l'expérience on trouve une position idéale sur le vélo et on sait utiliser un dérailleur pour mouliner avec les jambes à 90 tours/minute quelle que soit la pente. Alors, mème la montée d'un col des Alpes avec 30 kg de bagages devient un régal: à 5 ou 7km/h en danseuse on avance gentillement sans mème voir le vélo mais en regardant les fleurs sur le bord de la route et les vaches (toujours les vaches) dans les paturages. On est réceptif à toutes les sensations: les odeurs, le souffle du vent, les moindres variations de température, le bruit d'un rocher la-bas qui dégringole... et on plaint vraiment les automobilistes qui nous dépassent. Je suis toujours frappé par la mine réjouie des gens juchés sur un vélo, il doit bien y avoir une raison?
Un tour du monde, c'est beaucoup de route pratiquement tous les jours. On apprend vite à aimer ce monde à part. Ce n'est pas le monde aseptisé des aéroports, ici c'est un monde rude qui sent le gas-oil et l'huile de coude. Plus la route est dure, plus la solidarité est grande! "Noorrmal" dirait le routier russe qui vient de s'enquiller 3000 km de transsibérienne, jamais tout seul mais avec son pote Igor (2ème chauffeur) et Natacha une copine qui profite du voyage. On est habituellement 3 dans un camion russe. Que peut faire un cycliste au milieu de tous ces camions? Eh bien il doit tenir sa place et se faire respecter, montrer qu'il vient de loin et que lui aussi à une mission à accomplir. J'ai souvent fait rouler des camions à 10 km/h derrière moi dans des cotes sans visibilité, signe amical et encouragements étaient là dés qu'ils pouvaient me doubler. A l'approche des grandes villes, le traffic augmente progressivement , les petites guimbardes au rayon d'action limité apparaissent, la densité des restos et des cafés augmente, les jupes raccourcissent. On est comme un marin qui touche le port après une longue traversée.