Chaque fois que je clique sur "Unautretour" il y a en moyenne 3 à 4 lecteurs en ligne et le nombre total de contacts va bientôt dépasser les 100000. Etes vous seulement de passage ou revenez vous régulièrement ici faire un bout de chemin avec moi? Je ne peux le savoir mais je me sens proche de vous tous et je voudrais vous raconter une histoire...
Je suis parti en retraite en Juillet 2005 en passant à cette occasion un examen médical, j'ai été brillamment reçu "POSITIF" comme aurait dit Coluche, avec un taux de PSA au-dessus de la moyenne, synonyme d'une prostate pas nette.
Le départ pour "un autre tour" est prévu pour le 10 Juin 2006 et il n'est pas question de le différer: il y a des contraintes méteo (traverser l'Inde avant la mousson par exemple) et à 60 ans la forme physique ne s'améliore pas avec les années.
Entre un mèdecin traitant qui me conseille d'attendre et un chirurgien qui me dit qu' il est urgent d'intervenir, je prends le deuxième avis avec l'option prostatectomie radicale, qui offre les meilleures chance de survie et allègera de 100 grammes le poids total roulant. Ce sera fait le 12 janvier 2006 et je partirais allégé le 10 juin 2006 comme prévu.
Durant 22 mois, je n'entendrais plus parler de prostate, je ne ferais aucun test de controle pour ne pas me pourrir la vie . Les cols de Andes à plus de 4000 mètres d'altitude me prouvent que la forme physique est toujours là.
Au retour les tests sont bons mais trois ans et demi après l'opération, le PSA se met à croitre doucement ce qui veut dire qu'il reste des cellules cancéreuses, probablement nichées dans la "loge prostatique" mais indétectables avec les moyens actuels de la mèdecine. La solution radicale consiste à bruler les parois de la loge au lance-flamme : c'est la radiothérapie qui sera faite en Aout 2009. Le PSA redescendra durant un an mais il se mettra à remonter fin 2010, preuve que "ça a échappé" comme on dit dans le jargon médical mais on ne sait pas où, l'implacable processus des métastases est lancé. Je regarde le chirurgien dans les yeux et je lui demande " J'en ai pour combien de temps?" , " Vous ètes encore tranquille pour 5 ans" me répond-t-il désolé. 2015 devient donc le bout de ma route, tous les projets à long terme disparaissent de ma mémoire, c'est dur à vivre, je ne peux mème pas espérer la grâce présidentielle, juste un miracle.
J'abandonne le 26 aout 2011 dans Paris-Brest-Paris, la forme est là mais la tète n'y est pas, faire 1200 km pour revenir au point de départ par la mème route me parait sans grand intérèt.
Je vais essayer la mèdecine douce mais je n'y crois pas, je ne supporte pas le pilulier qui me rappelle trois fois par jour ma condition de malade, d'allieurs le PSA continue de grimper. On me dit à l'hopital qu'il est urgent de passer à l'hormonothérapie qui fait chuter la production de testostérone ce qui a pour effet de ralentir la prolifération des cellules cancéreuses. Je comprends pourquoi la testostérone fait partie de la pharmacopée du coureur cycliste dopé: avec elle tu voles, sans elle tu es à la ramasse avec des bouffées de chaleur en prime. J 'aime trop le vélo pour décrocher donc je m'accroche.
Il y a 3 mois je fais mon 4000 ème saut en parachute au dessus de Perros Guirec, une douleur apparait dans le bas du dos, elle deviendra vite tenace. Le taux de PSA s' envole, le scanner et la scintigraphie osseuse révèlent que la vertèbre L4 est touchée. La radiothérapie locale en cours doit permettre de diminuer la douleur et de ralentir les lésions.
Samedi dernier Monique et moi naviguons dans la rade de Brest à bord de Magic Bihan, comme à l'accoutumée le vent est plus fort prévu. L 'enchainement des manoeuvres n' est pas facile, la L4 me rappellera le lendemain qu'il faut la ménager.
La chimiothérapie va démarrer dans 15 jours.
J'ai l'impression que Magic (celui qui a 2 roues) m'attend à la porte du Cybercafé, bien gardé par un gringo souriant. J'ai accompli mon habituel devoir de globe-trotter pédalant, il ne reste plus qu' à planter la tente pour la nuit. Vous vous souvenez: toujours l'orienter vers l' Est pour recevoir les premiers rayons du soleil, demain sera un autre jour.
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